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Stress de déconfinement : le point de vue ayurvédique

Et voilà, nous entrons dans la phase de « déconfinement ». Après une phase où nous avons été amenés à changer nos habitudes, à investir notre « cocon », à renoncer à nos projets à court-terme, on va « reprendre une vie normale ». Tout le monde devrait s’en réjouir et pourtant cette perspective de retour à la vie active peu être anxiogène, face à un avenir incertain. L’Ayurveda nous aide à approcher cette période avec une conscience accrue de notre corps, de notre mental, de nos émotions.

Stress déconfinement

Selon la psychologie traditionnelle indienne, nos états d’âme, nos pensées, nos émotions, nos comportements et nos destinées sont déterminés par trois « principes »  (guna) : sattva, rajas et tamas. Sattva est associé à la paix, à la clarté de l’esprit, au détachement, à la bienveillance ; rajas au désir, à la colère, à la frustration, et tamas à l’ignorance, à la mélancolie, aux mécanismes de résistances psychologiques. De ces trois « humeurs mentales », deux sont problématiques : rajas et tamas. Elles perturbent notre équilibre mental et nous font souffrir moralement.

En nous repliant sur nous même lors du confinement, nous avions l’opportunité de nous intérioriser, de développer en nous cette qualité d’être sattvique. Mais bien souvent, c’est tamas qui a pris le dessus : à la fois déprimés et anxieux, nous avons mis sous le tapis nos bonnes résolutions, nous avons commencé à remettre au lendemain et les jours se sont répétés.

Déconfinement et regain de rajas

Ce qui se passe maintenant pour beaucoup d’entre nous, c’est un regain de rajas. Nous commençons à nous agiter, à tirer tout azimut, notre soif de vivre, de reconquérir le monde, d’y faire notre place, reprends ses droits, mais est-ce bien raisonnable ? Pouvons-nous recommencer tout comme avant ? Et si je dois changer quelque chose, que dois-je changer ? Les questions s’enchaînent et finissent par nous emprisonner. Elles concernent le mouvement, la transformation, avec son lot de dangers et d’incertitudes. Nous ne sommes même pas encore totalement sortis du confinement que nous sommes déjà pris par le tourbillon de la vie et l’angoisse du lendemain. Rajas est là. C’est le feu qui pousse à l’action, mais il peut aussi bien nous servir de moteur que nous consumer et nous faire tourner en rond.

Rajas et tamas produisent un chaos émotionnel et mental (manovikâra) dont chacun souffre. Afin de palier à ce désordre intérieur, l’ayurvéda nous invite à « conquérir notre mental » (sattvâvajaya) : plutôt que de nous laisser contrôler par lui, il s’agit d’en reprendre les rênes.

Se détacher des pensées négatives

Pour cela, nous devons apprendre à nous détacher des pensées qui nous contraignent et nous font souffrir, à nous détourner de leur effet hypnotique (manonigraha). Ce mouvement de recul intérieur nécessite une capacité de contrôle de soi (dhriti) qui n’est pas évidente de premier abord, tant nos pensées peuvent être obsédantes et notre volonté affaiblie. Tenter de contraindre le mental par le mental peut s’avérer difficile, voir impossible. Dés lors, il est nécessaire d’envisager une progression par étape, que l’échelle du Yoga nous expose. En passant par la posture (âsana) et par le souffle (prânâyâma), on finit par intérioriser nos perceptions sensorielles (pratyâhâra), puis par trouver un espace de concentration (dhâranâ). A partir de cette étape là, nous pouvons plus aisément focaliser nos pensées.

Avant cela, il semble nécessaire de les interroger, et de tenter de les structurer, afin de mettre un peu d’ordre dans notre chaos intérieur. Cette période de déconfinement nous invite à redéfinir nos désirs et nos objectifs de vie. Sans évaluation de nos besoins et de nos orientations, notre esprit ne pourra que vagabonder, s’attacher à ce qui le fait souffrir ou rechercher du plaisir immédiat. Laissé à lui-même, il revient dans ses ornières et ne peut trouver de paix.

Les trois désirs fondamentaux

L’ayurvéda définit trois désirs fondamentaux qui méritent qu’on s’y attarde : le désir de santé (prânaishanâ), le désir de sécurité (dhanaishanâ), et le désir de spiritualité (paralôkeshanâ).

Le désir de santé est à la base : nous recherchons naturellement la santé car sans elle, rien d’autre n’est possible. Et ces temps de pandémie, ce besoin prends tout son sens. Le monde s’est arrêté parce que notre santé était en danger. Il est temps d’y porter attention, et pour cela l’ayurvéda envisage l’importance d’une hygiène de vie saine, adaptée à notre personnalité, mais aussi des mesures de prévention, afin faire fructifier notre nectar de vie (ojas) et de stimuler notre capacité de résistance face aux maladies.

Le désir de sécurité concerne nos moyens de subsistance afin d’acquérir une certaine abondance matérielle (dhana). Nous recherchons à nous « mettre à l’abri du besoin ». Donner un sens à cette démarche nous permet de stabiliser notre environnement et donc de nous assurer une certaine stabilité mentale. Par ailleurs, cette crise sanitaire peut nous apprendre à reconsidérer l’essentiel du superflu dans nos dépenses.

Le désir de transcendance nous pousse à une quête de sens. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une vie rythmée par « métro, boulot, dodo ». Donner corps à cette quête nous permet de trouver un véritable enthousiasme à vivre. Dans le climat catastrophiste actuel, nous en avons plus que besoin. Le désir de transcendance n’est pas une fuite, mais le moyen d’atteindre une vie meilleure. Il nous pousse à cultiver des dispositions spirituelles, à nous baser sur autre chose qu’une logique de satisfaction matérielle ou psychologique, dans nos orientations de vie.

Le cadre proposé par l’ayurveda

Toute démarche de santé mentale nécessite un cadre. En ayurvéda ce cadre nous est donné par trois orientations fondamentales (trivarga) plus une, qui concerne non pas notre vie sociale, mais notre vie spirituelle. Ces trois orientations sont : l’éthique (dharma), l’économie (artha) et le désir (kâma). Pour donner sens à notre existence, nous devons interroger ces thématiques de manière continue, tout le long de notre vie.

Interroger notre éthique nous conduit à mettre des mots sur nos valeurs. Qu’est ce qui est important pour moi ? Qu’est ce que ce confinement m’a appris sur mes valeurs ? Est-ce que j’accorde de l’importance à la liberté ? À la sécurité ? À l’entraide ? À l’autonomie ? À la maîtrise de soi ? À la vérité ? Est-ce que l’individu prime sur le collectif, ou bien l’inverse ? En hiérarchisant notre système de valeur, nous apportons une certaine clarté à nos orientations de vie, et ainsi, nous pouvons les mettre en pratique plus efficacement.

L’orientation matérielle concerne le fait d’acquérir des biens, certes, mais aussi de prendre soin de notre patrimoine. Qu’allons-nous laisser à nos enfants ? Rendre cette quête matérielle à la fois pérenne, responsable et généreuse, c’est s’assurer un sentiment d’accomplissement, et donc une forme de satisfaction. Il ne s’agit pas d’accumuler pour accumuler, ou comme faire-valoir. L’orientation matérielle doit être le plus possible détachée du désir.

De quoi ai-je vraiment envie ? Qu’est-ce que je désire vraiment ? Interroger et respecter notre désir, qui est notre impulsion vitale, est essentiel. Frustré, refoulé, il apporte son lot de souffrance, mis en lumière et assumé, il devient un moyen de se réaliser en profondeur et de trouver du plaisir à ce que l’on fait. Cependant, il doit être pondéré, et ne pas dominer les autres orientations.

Lorsque l’on ajoute aux trois orientations l’émancipation, moksha, la personne est complète et cadrée dans ses buts (purushârtha). Tôt ou tard, il faudra renoncer, nous finirons par épuiser nos désirs insatiables et nous n’emporterons pas nos richesses dans notre tombe. Nous aspirons à la sérénité. Mais cette sérénité dans la tradition indienne, ne peut être trouvée dans le monde, mais à l’intérieur de soi, dans une démarche de délivrance de tout ce qui nous lie.

Renoncer aux possessions matérielles, aux liens sociaux, partir vivre en forêt, en ermitage, se consacrer entièrement à la méditation, etc, nous semblent hors de portée. Alors si nous ne pouvons pas renoncer au monde tel un ascète en quête d’absolu, nous pouvons au moins renoncer à ses fruits et cultiver en nous le détachement. Le détachement n’est pas un désinvestissement désinvolte ou désespéré, ou encore une insensibilité. C’est au contraire se donner la liberté de ne pas réagir pour prendre un recul nécessaire afin d’agir au mieux, c’est laisser germer et mûrir en nous les potentialités, sans les entraver de nos crispations. Cultiver cette disposition d’une manière saine et intelligente fait germer en nous sattva.

Morgan Vasoni est praticien en Ayurveda à Albi et Toulouse : www.narayana-ayurveda.com
Avec la précieuse contribution de Morgan Vasoni

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