Quelle force irrésistible pousse certains oiseaux à migrer d’un continent à l’autre ? Quel incroyable instinct pousse les petites tortues marines profondément enfouies sous le sable à se frayer un chemin jusqu’à l’air libre puis à gagner l’océan ? Sous quelle impulsion mystérieuse Homo Sapiens fit-il un jour le lien entre le silex et l’étincelle ? Dans tous ces exemples, une énergie débordante semble se déployer en une infinité de formes et s’élancer dans une exubérante diversité d’êtres.
Par Ananda Ceballos
C’est à Henri Bergson (1859-1941) que l’on doit le terme d’« élan vital ». Le philosophe français voulait saisir à travers ce concept l’essence de l’évolution, comprise non pas comme un principe homogène, mais comme le jaillissement imprévisible d’une multitude de tendances créatrices indifférenciées, d’où émergent des réalités vivantes toujours plus complexes. La notion d’« élan vital » désigne pour lui non seulement l’impulsion originelle de la vie et les efforts déployés par celle-ci pour vaincre les obstacles qui se présentent, mais aussi la dimension infinie de cet élan car, dès qu’il s’actualise dans une forme précise, il doit migrer pour prolonger son mouvement.
Vitalisme et mécanisme
Un courant philosophique ancien, le « vitalisme », s’était construit sur cette notion d’élan vital. Pour Aristote, les êtres vivants sont animés par un « principe moteur », vecteur d’accomplissement de leur propre existence. Avec l’apparition du christianisme, le vitalisme s’éclipse devant la toute-puissance divine, unique cause envisageable à cette époque pour expliquer l’apparition de la vie sur terre. Mais vers la fin de la Renaissance, le courant « vitaliste » réapparait en s’opposant alors aux « mécanicistes » qui, à l’instar de Descartes, voient les êtres vivants comme des automates dont le fonctionnement est réductible à des phénomènes physico-chimiques. Pendant le xixe et le xxe siècle, la pensée scientifique impose en Occident une vision mécaniciste et le vitalisme est abandonné et relégué au seul domaine philosophique.