Depuis que j’ai commencé à étudier la diététique et la nutrition, à étudier l’aliment, j’ai commencé à comprendre que manger implique bien plus que ma santé, ma digestion et mon bien-être. Au-delà de ce qui se passe dans mon assiette, ce que je choisis de manger, de ne pas manger, où j’achète mes aliments, quelle économie je choisis de soutenir, a un impact très profond, pour et dans, la société toute entière.
Par Armanda Dos Santos
J’ai été amenée à reconnaître que mon alimentation est un outil de changement : politique, économique, environnemental, social, nutritionnel… un acte citoyen, une arme politique. Lorsque je fais mes choix alimentaires, j’aspire à ce que tous et toutes puissent jouir du même choix en termes de qualité, de quantité et de finances. L’acte de manger implique la responsabilité de tous et de chacun, à travers une grande chaîne qui va de la Terre à l’assiette.
Lorsque je choisi de manger tel produit ou tel autre, de telle ou telle façon, je fais le choix de ne pas détériorer ma propre santé, ni celle de l’agriculteur/producteur, ni celle de la Terre et de la planète. Ne serait-il pas « égoïste » de ne considérer la nourriture principalement comme plaisir gustatif… ?
Ne pas empoisonner la Terre ses sols et ses rivières, ne pas rendre malade l’agriculteur, la société, est une responsabilité qui m’incombe pleinement, en tant que citoyenne, mais aussi en tant qu’occupante éphémère de cette planète et ce que je laisserais comme lègue aux générations à venir. Ceci est, à mon sens, une vision véritablement, holistiquement, saine et équitable. Manger est ce qui est « commun » à tous les hommes sur la Terre. J’aspire à ce que demain « manger bio » ou « sain » ne soit pas un privilège de certains mais la norme.
Manger est un acte politique, car nos choix alimentaires ont un impact destructeur sur la santé physique et mentale des hommes, sur les identités culturelles, sur les systèmes économiques, sur la préservation de l’environnement, et sur l’avenir de notre humanité.
ESSOR DU MANGER « SAIN »
Nous assistons de plus en plus à un essor du manger « sain ».
Seulement, si je mange « sain », mais que mon aliment est cause de famine, de discriminations, de déforestations quelque part dans le monde, alors, c’est un aliment au goût amer, et des pratiques que je ne veux pas cautionner.
De la même manière, les quantités de nourriture que je consomme est aussi un acte de conscience, citoyen et politique. En mangeant moins, je choisis de gaspiller moins, de préserver la planète et ses ressources, de prendre le temps et de passer du plus (quantité) au mieux (qualité).
Il est de la responsabilité des citoyens que nous sommes de déterminer nos choix: quel type d’aliment nous privilégions, à qui nous donnons notre argent, quelle économie nous soutenons. J’ai conscience que la question est absolument complexe. Je lisais recemment que la France est le second pays le plus consommateur de produits alimentaires bio en Europe, derrière l’Allemagne.
Malheureusement aujourd’hui, et malgré l’essor du « BIO », beaucoup de personnes n’ont pas d’autres choix que de s’alimenter de « l’alimentation du pauvre », de malbouffe, de fast-food, de sous-marques à bas-prix… pour des raisons financières, sociales, politiques ou climatiques.
Cet engouement pour le bio pose de nombreuses autres questions sur la qualité réelle ou pré-supposée de ces produits. Il est aujourd’hui possible de manger au printemps des tomates bio cultivées en Espagne sous serres chauffées… Tordue par le marketing vert, la notion d’agriculture biologique est entrain de perdre de son intérêt. Aussi, les Français consomment pour 8,7 milliards de produits bio par an, la production n’est cependant que de 4 milliards d’euros et environ 40% des produits bio consommés en France proviennent de l’étranger. Ainsi, l’idée selon laquelle le Bio serait plus écologique que l’agriculture traditionnelle est un souvent un cliché mensonger.
Par exemple, de nombreux fruits et légumes sont récoltés bien avant d’arriver à maturité. Ils sont donc moins riches en vitamines et nutriments que leurs homologues issus de l’agriculture conventionnelle locale. Par ailleurs, certaines pratiques sont pointées du doigt, comme ces serres-chauffées dont l’empreinte écologique est énorme. Sans compter le transport. Enfin, il n’y a aucune garantie concernant les contrôles qualités de ces produits car la réglementation sur les produits Bio n’est pas harmonisée dans tous les pays d’Europe.
Malgré tout, il nous reste à nous renseigner, dans notre entourage, sur des forums, des associations de quartier, sur les circuits courts à privilégier près de chez nous, jusqu’à trouver le bon producteur, le bon réseau, et s’aligner avec plus d’éthique. Cette quête de vérité, de transparence et de traçabilité, est un combat, quotidien, constant, et tant de fois injuste. Mais c’est notre réalité aujourd’hui. Fermer les yeux, et se décourager de ce combat, serait comme l’exprime l’Ayurveda, « un crime contre notre propre intelligence ».
Armanda Dos Santos est thérapeute et formatrice en Ayurveda.