Offrir des cours de yoga dans un contexte de crise, c’est ce que propose Christine Laurion. Professeure de yoga, elle s’est mise au service du personnel soignant et de tous ceux qui ont plus besoin que les autres de sérénité, en proposant au quotidien des cours de yoga gratuits.
Aujourd’hui, le contexte hospitalier est encore plus tendu puisque tous les jours, les équipes de l’hôpital accueillent des malades en détresse respiratoire. Les parcours de santé ont dû être adaptés, le fonctionnement de l’hôpital s’en trouve bouleversé. Stress et fatigue s’accumulent chez les soignants.
Des cours de yoga gratuits pour le personnel soignant ? « Une évidence et une responsabilité personnelle »
Christine Laurion enseigne le yoga depuis plus de quinze ans à Paris. Trois à quatre fois par semaine, elle se rend à l’hôpital Necker pour dispenser des cours au personnel soignant. L’espace Plein Ciel qui accueille les enfants malades, fait également appel à elle pour qu’elle soutienne les jeunes patients et leurs familles dans leur combat pour la vie. « Je ressens une grande gratitude pour ces expériences que la vie m’envoie » nous dit-elle. « J’ai un immense respect pour le personnel soignant et m’approcher des ces enfants malades, bien que cela ne soit pas toujours facile, est un enseignement profond pour moi.»
« Assurer la continuité des cours de yoga et soutenir le personnel soignant est de notre responsabilité » selon Christine. Une évidence qui la pousse à proposer des cours gratuits au personnel soignant, et à quiconque veut trouver un peu d’apaisement. Sur l’application Zoom, elle mène deux cours par jour, un de Hatha Yoga et une pratique dynamique de Vinyasa « pour celles et ceux qui ont besoin de se défouler un peu. » Ce sont plus de trois heures que Christine consacre quotidiennement à aider ses pairs : « Tout être humain sensible a la responsabilité de donner un peu de soi, dans la mesure de ce qu’il lui est possible de faire » nous explique-t-elle.
Et pourtant, certains de ses élèves éprouvent une gêne face à la pleine gratuité des cours de Christine. Elle décide alors, sur idée de ses élèves soignants de l’hôpital, de diriger les donations libres vers l’association Petit Cœur de Beurre. De quoi participer, entre autres, à la pérennité de l’espace famille de l’hôpital Necker enfants-malades.
Le yoga, un moyen de décrocher de l’ambiance générale
Elles sont médecin, infirmière, sage-femme ou cadre à l’hôpital et elles partagent avec nous leurs ressentis. Il est un point sur lequel elles sont toutes d’accord, elles aiment le yoga, mais elles aiment Christine un peu plus encore.
« J’avais déjà essayé des cours de yoga avec d’autres enseignants, mais je n’ai pas accroché, il n’y avait pas cette générosité qui émane de Christine » explique Sarah Chaumon, infirmière spécialisée dans le traitement de la douleur et les soins palliatifs à l’hôpital. Sportive, elle prépare des marathons et se prive pourtant de ses quatre entrainements de course à pied hebdomadaires pour respecter le confinement. Quand on lui demande ce qui l’affecte le plus dans la crise sanitaire actuelle, elle nous répond que « c’est l’irresponsabilité des gens qui ne respectent pas le confinement. Quand je vais à vélo à l’hôpital, je rencontre énormément de joggeurs qui ne respectent pas les mesures de distanciation. Ils sont dangereux pour eux et pour les autres. Oui, cela m’affecte beaucoup. » Alors le cours dynamique de Vinyasa est son rendez-vous bien-être, sa soupape pour relâcher un peu les tensions.
Des tensions qu’Hélène vit au quotidien également en tant que cadre à l’hôpital et maman d’un petit garçon de 18 mois. Elle témoigne : « je vais être honnête, j’ai peur d’aller travailler, peur de contaminer mon bébé, peur que la vie après ne reprenne pas son cours. Je n’ai jamais autant pratiqué de yoga que maintenant. C’est mon rendez-vous journalier. Il est précieux. » Le yoga représente un temps pour soi, pour se retrouver face à son anxiété et prendre le temps de la gérer avant que le trop-plein n’arrive.
« Le covid-19 nous suit partout ». Pour Laurence, médecin hospitalier, le yoga est un moyen de décrocher de l’ambiance générale polarisée sur le coronavirus. Outre cette évasion de quelques instants, les effets de la pratique sont durables. Les outils transmis par Christine soutiennent Laurence dans cette période anxiogène. « Les cours de Chris m’ont appris à avoir de la douceur pour moi et les pratiques respiratoires qu’elle enseigne me permettent de maitriser mes récentes insomnies dues à la situation actuelle”.
Dans ce contexte de crise aigüe, toutes les fonctions de l’hôpital sont concernées et affectées. Les femmes continuent de donner la vie, et Claire, sage-femme coordinatrice des consultations du plateau doit s’adapter en permanence à ce nouveau contexte, tout en soutenant ses équipes et les patientes. L’épuisement n’est plus très loin. Alors son rendez-vous yoga, Claire le vit comme une « bouée de sauvetage, un moment hors du temps dans ce contexte anxiogène. » Elle ajoute que « l’initiative de Christine est venue comme une bouffée d’oxygène et de bonheur. Elle ne nous a pas abandonnée dans cette période où nous avions encore plus besoin d’elle. C’est comme un cadeau qui fait chaud au cœur. Elle nous donne son temps et son énergie. »
Christine, qui porte dans son cœur ces hommes et ces femmes soignants, souhaite que le yoga les aide à rester centrés, à accepter leurs émotions de la journée pour mieux les laisser partir. Elle porte le souhait de partager son trésor intérieur, cette étincelle de joie qui ne la quitte pas, même en ces temps tourmentés. C’est une véritable petite communauté qui se retrouve tous les soirs pour des pratiques de Hatha ou de Vinyasa guidées par Christine.
« Au-delà du yoga, c’est la communauté qui nous fait du bien »
Le confinement n’est pas naturel pour l’être humain qui est doté d’une propension instinctive à la rencontre et aux regroupements. Une situation si peu naturelle qu’elle peut atteindre le moral de certaines personnes isolées. Alors, bien que virtuels, les cours de yoga proposés sur Zoom, sont autant d’occasions de pratiques que d’échanges. « Ma séance de Vinyasa avec Christine me fait du bien physiquement mais aussi moralement parce que j’y retrouve des copines. On échange en début de séance et on débriefe après sur whatsapp » partage Sarah Chaumon.
Pour Laurence, il y a « des moments humains nouveaux, une solidarité qui s’installe et cela passe par des petits gestes du quotidien, de la douceur ». Une douceur que l’on retrouve dans les cours de Christine. Les cours de yoga « c’est une communauté, un petit groupe solidaire qui prend soin les uns des autres… Un peu de lumière qui vient éclaircir les tableaux que nous recevons chaque matin pour nous indiquer le taux de saturation de nos lits en réanimation et le nombre de contaminés dans nos collègues » nous rapporte Hélène. Véritable vecteur de relations sociales en dehors du foyer familial, pour cette cadre de l’hôpital, la pratique du yoga en communauté sur Zoom fait du bien au corps mais aussi et surtout, à l’esprit.
Et puis, il y a « Chris », comme l’appellent ses élèves. Christine transmet beaucoup, fédère, réunit, relie et la responsabilité dont elle se sent profondément investie dans ce contexte fait partie des initiatives de cœur dont on ne parle pas assez. « Christine est drôle, enthousiaste, généreuse, douée pour partager son savoir. Elle nous soutient, nous rebooste, nous accompagne. Un grand merci à elle » exprime Claire.
Christine nous invite à méditer. Même si l’on ne sait pas comment, même si l’on est peu enclin à la pratique ; s’asseoir en silence et se mettre à l’écoute de notre respiration, en observant les pensées aller et venir. « La méditation nous apprend que nous ne sommes pas tout le temps acteur de notre vie. On ne peut pas arrêter les nuages dans le ciel. Cette obsession du contrôle crée une tension néfaste et épuisante. »
Pour Chris, la solidarité est une pratique yogique essentielle et doit trouver sa voie dans le contexte actuel, à travers le don de notre temps, de notre bienveillance et de notre joie. Son initiative soutient les personnels soignants qui œuvrent chaque jour dans ce contexte singulier en leur procurant une bulle de paix. La pratique du yoga permet ainsi de recréer le lien là où le confinement l’éteint.
Accepter la peur et l’anxiété, puis lâcher. Accepter de n’avoir presque aucune prise sur cette situation et continuer à faire de son mieux durant cette période de confinement pour se protéger et protéger les autres. Et prendre soin de soi, de ses proches, avec douceur et empathie. Voilà les pistes d’actions que Christine nous exhorte à mettre en place durant ces semaines de confinement, et bien sûr donner un peu de soi et pratiquer le yoga !
Pour soutenir l’association “Petit coeur de beurre”
Poursuivre des cours avec Christine Laurion
Avec la précieuse contribution de Sarah Leclerc