C’est l’ingrédient ultra-tendance et pourtant se cache derrière une production massive qui n’est pas sans conséquences pour l’environnement : surconsommation d’eau, pollution aux pesticides, déséquilibre de la faune et flore…Le business de l’or vert n’est pas prêt de s’arrêter alors essayons de limiter les dégâts !
L’effet de mode
Coloré, sain, beau à regarder et si bon à manger, l’avocat a envahi nos tables depuis déjà de nombreuses années. En toast, en salade, en purée ou même poêlé, il était pourtant arrivé timidement dans les années 50 grâce à la fameuse recette du cocktail de crevettes et sa sauce à base de mayonnaise ! Puis dans les années 90, la cuisine Tex-Mex a explosé et l’avocat a retrouvé sa version traditionnelle : le guacamole servi alors avec ses nachos dégoulinants de fromage. En 2018, l’avocat se décline à l’infini et est utilisé dans 1001 recettes : cookies sans gluten, sauce pesto, cheesecake, fondant au chocolat…L’avocat est partout ! C’est Instagram qui le consacre en véritable fruit superstar puisque #avocat est 5edans le top Food Instagram, le premier étant #healty.
Des chiffres qui explosent !
On estime que la consommation en France est en moyenne de 1,3 kg par habitant par an (2,6 kg à Paris !) ce qui fait de notre pays le deuxième consommateur européen et le troisième pays importateur mondial derrière les États-Unis et les Pays-Bas. Avec 1,3 millions de tonnes produits chaque année, c’est le Mexique qui remporte la première place sur le podium des pays producteurs, devant la République Dominicaine et le Pérou. La culture de l’avocat s’est désormais implantée un peu partout : au Chili et en Colombie pour l’Amérique du Sud, au Kenya et Afrique du Sud pour l’Afrique. Le pourtour méditerranéen n’y échappe pas non plus : Israël bien sûr et plus récemment l’Espagne et le Maroc.
Un désastre écologique
L’avocatier est un arbre qui a besoin de soleil, d’humidité et qui ne résiste pas aux vagues de froid. En Andalousie, il y trouve la douceur du soleil mais pour lui fournir l’humidité nécessaire, c’est seulement grâce à un système d’irrigation massive qu’il se sent à l’aise c’est pourquoi la consommation en eau explose ! En Israël, terre aride également, certains producteurs ont opté pour une désalinisation de l’eau, au Chili ce sont des puits très profonds qu’on creuse pour aller chercher l’eau à la source.
La surconsommation en eau des cultures d’avocats n’est malheureusement pas la seule ombre au tableau, on y trouve aussi la pollution aux pesticides qui s’étend des nappes phréatiques à l’atmosphère. En effet, pour lutter contre les nuisibles, un grand nombre de produits chimiques sont pulvérisés à même les arbres. Envoyé spécial dans son documentaire intitulé “les avocats du diable” diffusé le 21 septembre dernier, dénonçait une véritable catastrophe sanitaire. Après l’analyse dans un laboratoire spécialisé de 5 avocats achetés en supermarché français, le reportage dénonçait la toxicité des pesticides présents sur les fruits et leur haute concentration supérieure aux normes européennes.
Le business de l’or vert
C’est globalement tout l’environnement qui pâtit de ces exploitations : déforestation, appauvrissement de la qualité des sols, disparition progressive de la biodiversité, modification de la faune et flore…La production en mode industriel de l’avocat a totalement changé le paysage de certaines régions et, elle entraine aussi des conséquences inattendues : au Mexique par exemple, les exploitations attisent les cartels de la drogue qui soumettent les producteurs aux rackets. Ce business de l’or vert constitue une véritable manne de ressources pour quiconque se lance dans sa production si bien que beaucoup saute sur l’occasion… En Espagne par exemple, ceux qui ont subi la crise économique de plein fouet notamment à cause de l’effondrement du marché immobilier, ont trouvé une porte de sortie grâce à l’avocat car il se vend désormais toute l’année. En effet, les saisons n’étant pas les même d’une variété à une autre ni d’une région à une autre, les avocats sont sur les étals de nos marchés quelque soit la période. De septembre à avril, il nous vient d’Espagne, du Mexique, d’Israël. De mai à septembre, il vient d’Afrique et d’août à octobre des Antilles. La France, elle, n’en produit qu’en quantité infime en Corse.
De puissants lobbys
Cette prise de conscience va-t-elle modifier les comportements des consommateurs ? Ce n’est pas en tout cas l’intention de la World Avocado Organization (WAO), association regroupant un grand nombre de producteurs internationaux, dont l’objectif est de “doubler la consommation mondiale par deux dans les prochaines années” selon les dires de son directeur Xavier Equihua au site reussir.com. Comment ? A coups de millions investis dans des campagnes de communication et, plus exactement 2,8 pour la campagne lancé le 22 juin dernier en France, au Royaume-Uni et en Allemagne axé autour du slogan “L’avocat, le fruit de la vie”. Les distributeurs Lidl, Carrefour et Monoprix ont accueilli “plus de 2 000 démonstrations-dégustations” et à Londres : “cinq autobus et quatre taxis ont été décorés à la marque”… La campagne marketing bat donc son plein mais il est encore possible de garder la tête froide.
Pour une consommation raisonnée
Comme pour les vêtements, il existe désormais des phénomènes de mode pour les ingrédients provoquant de nombreux déséquilibres. Il y a peu, c’est le quinoa qui a lui aussi connu son moment de gloire, ce produit de base pour les boliviens et péruviens est alors devenu, sous la pression de la demande occidentale, un produit de luxe ! Il n’est pas question ici de renoncer à la consommation des avocats, mais plutôt de la rationnaliser et de ne manger qu’occasionnellement ce fruit au goût si délicat pour éviter à notre planète une crise de boulimie !
Source : Fruitrop, N°225, septembre 2014, CIRAD.
À retrouver dans le dernier numéro du magazine Esprit Veggie
Avec la précieuse contribution de Anaïs Bocquet pour Esprit Veggie