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S’ouvrir au changement, parinâma, par le yoga

Nous sommes, en ce moment, confrontés à des bouleversements intenses qui mettent brusquement en suspend nos moyens d’actions. Habitués à tout maîtriser, nous nous confrontons à la rupture du contrôle de nos vies et de l’ordre du monde.

Par Blandine Soulage

Non seulement nous devons faire face à ce désordre, mais nous devons aussi composer avec l’angoisse de ces renversements sur l’avenir. Nous faisons tous l’expérience -à des niveaux différents- d’annulations de projets, d’absence de visibilité pour les semaines, les mois à venir. Nous mesurons tous combien l’incertitude et l’instabilité sont anxiogènes. Et pourtant il va nous falloir vivre avec. Le yoga nous enseigne que le « changement » est la principale source de nos souffrances.

Le sutra II.15 du Yoga Sutra de Patanjali (texte fondateur du yoga) indique que nous sommes soumis à une souffrance fondamentale dont l’impermanence est la cause : Parinâma-tâpa-samskâra-dukhair guna-vrittivirodhâch cha duhkham éva sarvam vivékinah. Ces changements, « Parinâma » en Sanskrit, nous insécurisent et nous déstabilisent… mais moins nous les acceptons, plus ils nous font souffrir.

Ils s’opposent dans le sutra pré-cité au « Samskâra », ce composite d’habitudes, de conditionnements et de schémas mentaux dont nous avons hérité (liés à notre karma). C’est aussi avec eux que nous nous construisons. Ces comportements répétitifs ont le mérite de nous sécuriser et de nous offrir des repères et une stabilité. Mais ils ont un revers, ils nous enferment aussi dans un immobilisme et une incapacité d’adaptation qui nous rendent intolérants à tout changement qui nous échappe.

Or le yoga nous rappelle aussi que le monde est changement. « Le seul événement permanent, c’est le changement » dit Schopenhauer. Tout bouge, rien n’est jamais figé, ni définitivement acquis. La vie est un mouvement perpétuel fait d’incertitudes et d’imprévus. Nous-mêmes sommes en mutation permanente, qu’il s’agisse de notre corps physique ou de notre état mental. Comment le yoga et la méditation peuvent nous aider à accepter ces changements et mieux vivre avec ? En nous invitant à abandonner notre « Samskâra » et à nous changer nousmême, en adhérant au moment présent et en nous amenant à concevoir que les choses puissent être différentes de ce que l’on aimerait qu’elles soient.

La pratique du yoga entraine des changements doux et très progressifs dans notre corps mais aussi dans nos comportements. Le mental s’assouplit à mesure que le corps s’assouplit. Elle permet de mieux se connaître et de mieux composer avec la réalité … quelle que soit sa direction. Les postures de yoga sont parfois inconfortables, incongrues…les traverser c’est s’ouvrir avec abnégation à l’imprévisible.

C’est chercher le confort dans l’inconfort. A défaut de stopper l’inéluctable transformation des choses, nous pouvons explorer notre capacité à lâcher prise face à la réalité qui s’impose. Comme le monde, notre esprit est fait de changements et donc très adaptable. Si nous ne pouvons pas maîtriser les circonstances extérieures, nous pouvons observer leurs répercussions intérieures. Le simple fait d’observer nos états d’humeurs permet d’échapper à leur tyrannie et, peut-être, d’accorder plus d’espace mental à des sensations positives. C’est déjà une certaine forme de libération face aux évènements qui surviennent. Le changement comme espace de transformation !

L’inattendu ouvre une alternative à l’enfermement dans notre « Samaskâra » pour permettre des transformations intérieures profondes. C’est là une autre facette de « Parinâma », le changement. Expérimenter ce qui est inhabituel permet d’explorer son potentiel et permet de sortir de sa zone de confort, de sa routine. C’est une manière de grandir, de mûrir, de se déployer. Dans une pratique de yoga, par exemple, les postures inversées renversent notre regard sur le monde et inventent un nouveau rapport à celui-ci. Relever le défi de l’imprévisible nous met face à l’immensité des possibles et nous invite à parcourir la cartographie complète…et parfois inconnue…de notre propre intériorité et de toutes nos ressources. Car l’étendue de nos ressources est immense, presque infinie.

C’est en parcourant chacune de ces terres oubliées que l’on pourra faire de nouvelles conquêtes. Aller à la conquête : conquête de soi et de soi conquête des autres. Le confinement et la restriction de notre mobilité, par exemple, nous invitent à cultiver un nouveau regard sur notre quotidien, à défaut de vivre des expériences inédites. Notre capacité à modifier nos angles de vue nous ouvrira de nouveaux horizons.

Comme les explorateurs, loin de notre terre d’origine, il nous faut remettre en question ce que l’on croyait être le centre du monde, jouer les aventuriers et se hasarder dans les terres inconnues de notre esprit. Moissonner les terres en friche. Cultiver les jachères. Puiser dans les stocks de ressources nourricières … pour grandir. Les arroser soigneusement chaque matin. Chasser les herbes folles. Cultiver ces territoires au quotidien. Mais surtout ne pas rester planté sur un terrain dévasté. Abandonner les terres sur lesquelles, pour le moment, plus rien ne peut pousser. Comment trouver un équilibre dans cette instabilité constante ?

La pratique du yoga en mouvement (le Vinyasa) nous fait vivre cette expérience très concrète de l’ancrage dans la mobilité. On peut bouger mais rester centré, trouver son équilibre dans l’instabilité des postures. La pratique nous sort de notre sédentarité et de notre immobilisme quotidien… et cela nous fait un bien fou, nous rappelant combien il est important de rester en mouvement.

La transformation n’est pas la perte de soi. Tout comme une rivière qui suit le court de son lit, notre « soi » circule en permanence, à travers des états transitoires et parsemés d’obstacles…mais nous restons toujours la même rivière, toujours nous-même. Être soi ce n’est pas être incapable de changer. Au contraire, le changement éclaire un peu plus notre essence invariable dans cette impermanence. « Nous devons être le changement que nous voulons voir dans le monde » disait le Mahatma Gandhi.

Accepter de changer c’est déjà, un peu, changer le monde. Pour trouver cet équilibre, nous pouvons nous référer au « Sâdhana Pâda » du Yoga Sutra, le yoga de l’action qui permet d’avancer sur le chemin de la transformation. Selon lui, la nature, « Prakriti » se compose de trois qualités primaires, les « Gunas » : « Tamas » est comparable à la pierre qui s’érode et se transforme avec lenteur. Il incarne à la fois notre stabilité mais également notre inertie, notre immobilisme. « Rajas » s’apparente au feu, qui transforme les éléments avec fulgurance. Il incarne le principe dynamique mais aussi notre frénésie, vecteur de stress, de nervosité et d’anxiété.

Enfin, Sattva, le principe de lucidité est le juste équilibre entre ces Gunas. Il incarne la lumière, la clarté, l’harmonie. Le yoga et la méditation invitent à cultiver Sattva pour trouver cet équilibre avec le monde et ses forces de transformation.

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