Quelle époque ! Nous voilà chamboulés, dans nos têtes, dans nos vies, dans nos habitudes, dans ce que nous croyions être acquis et dans nos projets. Nous sommes entourés de questionnement, de doutes, d’incertitudes.
Retrouvons notre centre pour s’y poser et laissons la vie se mouvoir à travers notre être. Le mental se trouve agité, il ne peut plus rien contrôler ! Il fuse dans tous les sens. Difficile donc de se poser. Mais qu’est-ce que veut dire au juste se poser ? Arrêter ? Rester sous la couette ? Se poser dans le canapé ? Pas sûr d’ailleurs que nous ayons tant envie que ça de nous poser !
Se poser ? Pas facile !
Nous l’avons bien vu pendant les confinements, où l’on a été contraint de s’arrêter. Dans une société où l’action et le faire sont glorifiés, nous avons tous eu du mal à faire moins. Alors on a fait du pain ! On a cuisiné, jardiné, suivi des cours en ligne, on a calé des apéros Zoom, on a tricoté, bidouillé, écrit, peint, réparé, acheté… Mais est-ce qu’on s’est réellement posé ? Nous ne savons pas très bien nous poser. Nous aimons agir, bouger et nous aimons le montrer, notamment sur les réseaux sociaux. Il nous est essentiel de prouver quelle vie active, remplie, occupée, excitante, nous avons ! Et pourtant souvent nous vivons loin de notre centre, nous vivons ex-centrés. Le mental et l’ego sont comblés, mais nous ne savons plus qui l’on est réellement au fond, au centre, posés dans notre être. Ce centre qui ne bouge pas, comme le fond de l’océan au milieu d’une tempête, comme l’oeil d’une tornade qui demeure calme. Nous avons tous ce centre, où nous pouvons retourner nous poser, pour ensuite pouvoir mieux être dans le monde. Dans la vie quotidienne, il est facile de se laisser emporter par le vent, le tonnerre et les grosses vagues. Mais ce n’est pas là que nous trouverons l’équanimité et la distance nécessaires pour nous poser au sein de notre vie. Car une fois que nous avons trouvé notre centre, nous pourrons agir sans trop être attachés au résultat de nos actions. Nous sommes alors dans l’action juste.
L’action immobile
Dans les textes yogiques, tels que Les Yoga Sutras de Patanjali ou la Baghavad Gîtâ, le fait de se poser n’est jamais décrit comme « ne plus rien faire ». Se poser ne veut pas dire ne pas agir, tout abandonner, tout arrêter, et traîner dans son canapé loin du monde réel. Se poser ne veut pas non plus dire s’enfermer dans une bulle « zen » et un peu égoïste, loin de nos problèmes et ceux du monde, ou fuir les personnes stressées et stressantes qui nous agacent. Au contraire, nous nous posons pour ensuite pouvoir être dans le monde, avec tous ses défis, ses problèmes, ses hauts et ses bas, et pouvoir y agir de la manière la plus juste. Quand nous savons nous poser, nous savons agir. Se poser devient alors l’art de savoir quand agir et quand ne pas agir.
Être capable de se poser nous permet ainsi de nous libérer de l’attente des fruits de l’action ou de l’inaction : « Quand le désir de prendre disparaît, les joyaux apparaissent », nous rappelle Patanjali. Se poser, c’est retrouver notre centre, pour mieux être dans le monde qui nous entoure. Un peu comme le funambule, la quête de notre centre n’est jamais statique, et surtout, une fois ce centre trouvé, nous n’avons pas la garantie que nous allons pouvoir y rester très longtemps. Se poser est donc une pratique, toujours en mouvement. On le trouve quelque-part entre l’agir et le non-agir, il est la justesse découlant d’un mental clarifié, nettoyé.
Se poser, se libérer
Se poser, c’est aussi se libérer des chaînes de notre ego. C’est s’accorder du temps, pour aller à la rencontre de notre être profond, celui qui ne bouge pas, et qui nous guide : notre centre. On entend parfois parler d’intuition, ou de choses que l’on « sent avec nos tripes ». C’est cette connexion avec ce qui est au fond de nous, loin des commentaires et des jugements du mental. Ce qui est magnifique, c’est que notre centre, notre être profond, est immuable. Il est toujours là, il ne bouge pas. Et le yoga nous offre un éventail de manières pour nous y ramener.
Se poser, c’est au présent, nous nous posons pour accueillir ce qui est. Dans le mot sanskrit dhyana (méditation), l’une des étapes du yoga, on retrouve la racine dhy qui décrit le fait de se poser en son socle, en ses racines, et non pas dans sa tête, dans son mental agité. Afin de faciliter l’accès à cet enracinement en son être, il y a la pratique posturale. À travers les postures, nous nous entraînons à nous poser. C’est ainsi que l’on revient à ce funambule qui n’est jamais immobile, qui trouve son équilibre, parvient à se poser dans un va-et-vient, une danse permanente.
Chaque posture devient alors une opportunité simplement pour être, sans jugement, sans commentaire, sans chercher à y mettre des mots. Les asanas deviennent un terrain de jeu, d’entraînement à la vie en dehors du tapis, tout en légèreté, tout en humour. Car avoir une pratique de yoga ne signifie pas s’y réfugier pour se protéger de la cruauté du monde, ou pour échapper aux personnes qui nous énervent ou qui ne nous comprennent pas. Le yoga n’est pas là pour nous couper du monde, mais pour nous ouvrir sur nous-mêmes, en toute humilité, pour mettre la lumière sur ce qu’il nous reste à parcourir, et nous permettre de mieux être dans le monde par la suite.
Avec la précieuse contribution de Claire Brown