Un défi, la randonnée au Mont Guillaume
Depuis plus de 10 ans, le Mont Guillaume me fait de l’œil chaque journée de nos vacances dans les Hautes-Alpes. Son ascension me fait très envie. Les retours et les photos sont unanimes : la vue au sommet du Mont Guillaume est tout simplement à couper le souffle. A 2542 m, il offre un 360° sur le magnifique lac de Serre-Ponçon et quelques-uns des plus beaux massifs des Hautes-Alpes.
Seulement pour y parvenir, plus de 8 kilomètres d’ascension (17,5 km aller-retour) et 1000 mètres de dénivelé sont à réaliser. De ce fait, mon envie restait un doux rêve. Mes limites physiques et mentales m’interdisaient jusque-là ne serait-ce d’imaginer passer du rêve à la réalité : “mes genoux ne tiendront jamais”, “déjà que sur des randonnées plus courtes avec moins de dénivelé j’ai mal, alors là, même pas la peine d’y penser”, “je ne suis pas capable de faire une randonnée aussi difficile”, etc.
Et puis, cet été, le rêve est devenu un défi. Peut-être que la création et l’animation de mon programme “yoga et rando” en juin dernier auprès des yogis de Birieux ont semé des petites graines. Ma détermination à incarner les messages que je transmets dans mes programmes yoga et mon envie de réaliser mes rêves m’ont poussé à trouver les moyens de relever ce challenge.
Il a alors été inscrit à l’agenda (bien que soumis aux conditions météorologiques… ouf ni pluie, ni orage à l’horizon) et annoncé (et oui, il parait que s’engager publiquement invite à tenir son engagement, ce n’est pas Maryse Lehoux qui me contredira). Des séances matinales de yoga, méditation et renforcement musculaire des jambes alternées avec de petites randonnées ont rythmé le mois d’août. Un repérage sur le net en amont a permis de visualiser le parcours. Etc.
Alors aujourd’hui, dimanche 20 août 2023 est le jour J.
8 h 30, sac à dos avec eau, pique-nique et crème solaire, enfilé, chaussures bien lacées, bâtons de randonnée bien en mains, nous sommes prêts. Le ciel est bleu, le soleil brille, il fait frais, la météo est idéale pour nous accompagner.
A 1587 m, le premier pas est avancé.
« L’unique moyen de savoir jusqu’où on peut aller, c’est de se mettre en route et de marcher. »
– Henri Bergson –
Le kif en chemin
Un pas, puis un deuxième, un troisième… je garde en tête d’avancer petit pas après petit pas et de rester dans l’instant présent. Je sais que si mon mental part ailleurs, disons comme ça, au hasard, qu’il se projette déjà dans la descente et dans l’anticipation de douleurs aux genoux qui vont avec, je ne profiterai ni de l’aller, ni du retour.
Comment faire alors pour rester connectée à l’instant présent ?
Ici, c’est tellement facile, il suffit d’activer mes 5 sens pour être pleinement en contact avec la nature :
- écouter l’eau des ruisseaux, le gazouillis des oiseaux, la stridulation des grillons, le sifflement des marmottes, les cloches des vaches…
- s’émerveiller devant les majestueux paysages alpins, la beauté des mélèzes, les couleurs des fleurs passant du jaune des boutons d’or au rose des rhododendrons ou mieux celui des framboises…
- savourer justement ces framboises sauvages (absolument rien à voir avec celles qu’on trouve dans le commerce)…
- sentir l’eau fraîche des sources montagnardes qui coule dans nos gorges asséchées, le vent léger effleurer nos visages échauffés…
- humer les odeurs naturelles de la montagne, ses fleurs, son air pur… (les bouses de vaches ça compte aussi ?)
Hmm, un délice des sens !
Une autre façon de rester dans le présent est de s’écouter.
- Écouter ses besoins physiologiques (soif, faim…). Cela parait bateau, mais lorsqu’on marche tête dans le guidon, on pourrait en oublier ces besoins fondamentaux et c’est quand la tête commence à tourner, la bouche s’assécher qu’on se dit qu’on aurait bien dû boire ou manger plus tôt. En étant à l’écoute des besoins de nos corps et en les satisfaisant, avec des pauses revigorantes, la montée s’est faite sans défaillance.
- Écouter ses besoins physiques (crampes, douleurs…). Pour cela, dès que les muscles commençaient à tétaniser, hop, un petit relâchement, un petit massage ou un petit étirement et c’est reparti.
- Écouter sa respiration. Elle nous donne des informations pour adapter l’allure, des clés pour ne pas suivre nos pensées, un repère pour rester connecté à soi…
- Écouter son cœur et ses émotions… oui oui… envie de profiter du paysage, des papillons qui virevoltent, des ruisseaux qui rafraîchissent, envie de s’émerveiller, envie de s’imprégner du calme, envie de s’inspirer de cette nature si vivante, si forte et si fragile à la fois, envie de laisser infuser la belle énergie du soleil…
Ainsi, pas après pas, les kilomètres défilent dans l’émerveillement et le plaisir de la marche, vers le sommet du Mont Guillaume et la connaissance de soi.
« Tous les hommes pensent que le bonheur se trouve au sommet de la montagne. »
– Confucius –
Un rêve qui se réalise
Après 8,1 km de marche, 965 m de dénivelé et 3 heures de marche, nous voilà au sommet du Mont Guillaume.
Wahou, quelle vue ! C’est encore plus beau que ce que je pouvais imaginer. A 2542 m d’altitude, nous savourons ce panorama incroyable qui nous remplit d’humilité. De si haut, on se sent si petit et en même temps si vivant.
Quelle joie d’être arrivée là, quelle fierté d’avoir accompli cette ascension et rendu réel ce qui était un rêve il y a encore un mois.
Mais, vous savez quoi ? Dans ce grand moment de kif, le mental me joue des tours et m’emmène déjà dans la descente et il anticipe mes douleurs aux genoux. Hop hop hop, stop ! Il faut vite l’arrêter dans son élan pour barrer la porte à la peur de ce qui reste à faire ou à la colère de laisser ce mental reprendre le dessus. Petit clin d’oeil ici à mes fées de NeuroYoga (et oui spécialisation sympa cet été), Martine, Valérie et Maryse qui m’ont apporté des clés pour ne pas me laisser happée ici.
« Si tu n’arrives pas à penser, marche. Si tu penses trop, marche. Si tu penses mal, marche encore. »
– Jean Giono –
Un rêve réalisé
Comment faire pour reprendre les rênes du mental ?
RRSOP !
- Respirer. Inspirer profondément. Expirer profondément. Encore.
- Relaxer. Relâcher mes cuisses, mes bras pour qu’ils restent mes alliés dans la descente. Relâcher mes résistances.
- Sentir. Ressentir encore et encore avec mes 5 sens. Ressentir cette joie, cet émerveillement, cette satisfaction, cette gratitude envers Eric de m’avoir accompagnée dans ce challenge, envers cette nature si époustouflante, envers mon corps endurant et mon cœur fragile et costaud à la fois.
- Observer. Observer ce qui se passe dans mon corps, mon cœur et ma tête. Observer ce qui se passe autour de moi pour m’ancrer au réel.
- Permettre. Permettre de profiter de la réussite de cette première étape. Permettre de kiffer cela sans les contrariétés de la descente à venir. Permettre d’être vulnérable mais seulement quand le moment sera venu.
Bien, ce n’est pas tout, mais l’heure de la deuxième étape, et pas des moindres, est arrivée. Place à la descente : et oui, il va bien falloir les redescendre ces 965 m. D’habitude, mes genoux flanchent dès les premiers 100 m de dénivelé négatif. Autant dire que le défi du jour était très ambitieux et que c’est à partir de maintenant que les ennuis devraient arriver.
Mieux vaut se mettre dans les meilleures dispositions. Symboliquement, je prends la posture de la montagne puis de l’arbre, pour m’enraciner, me sentir solide sur mes jambes, prendre confiance en mes appuis et rester alignée avec mon objectif. En mode guerrière, je suis déterminée à aller au bout de ce défi et à ne pas baisser les bras. Je prends l’engagement de me poser et de me recentrer dès que mon corps m’enverra ses premiers signaux.
Allez, go, c’est parti ! Sur ces cailloux qui roulent sous mes pieds, je repense à la séance de proprioception de mon programme “Yoga et rando”. Cela me fait sourire. J’essaye d’apporter le plus de confort et de stabilité dans ma démarche (sthira sukham āsanam) et le plus de relâchement possible dans mes jambes. Étrangement, le premier kilomètre se fait sans douleur. Une première. Au deuxième kilomètre, RAS. Au troisième, un léger inconfort seulement apparaît. Ouf, la partie la plus accidentée est désormais derrière nous et mes genoux me suivent encore ; le reste est du chemin forestier bien moins pentu, ça devrait aller. Sur quelques passages, ils se bloquent mais je me rends compte que cela arrive surtout quand je me crispe. Dès que je me laisse aller, ça va bien mieux. Vive le lâcher-prise !
Et voilà, petit pas après petit pas, respiration après respiration, pause après pause, heure après heure, nous voilà de nouveau au parking de la porte de la forêt. Mission accomplie !
« Croyez en vos rêves et ils se réaliseront peut-être. Croyez en vous, ils se réaliseront sûrement. »
– Martin Luther King –
Un programme de yoga-rando revisité !
Impossible pendant cette randonnée au Mont Guillaume de ne pas avoir une pensée pour les yogis de Birieux et en particulier au programme “yoga-rando” du mois de juin dernier. Cette session thématique était courte en 2022-23, je l’avais constituée des 3 séances suivantes pour finir la saison :
- Séance 1 : renforcer ses jambes
- Séance 2 : travailler sa proprioception
- Séance 3 : se ressourcer après la rando
Au cours de la journée, j’ai pu conforter les bienfaits de ce programme à différents niveaux notamment au niveau physique et en ressentir bien d’autres au niveau psychologique et spirituel.
Au niveau physique :
- Clairement la séance de renforcement musculaire a été des plus utiles : les jambes (quadriceps, ischios jambiers sans oublier les fessiers) mais également les abdominaux, le dos et les bras (biceps, triceps) pour ne citer que les principaux sont énormément sollicités sur les randonnées. Les travailler en amont avec des postures de chaise, guerriers, déesse, planche, bateau, pont, cobra… était une bonne chose.
- La séance de proprioception pour son travail d’appuis et d’équilibre est aussi nécessaire pour jongler avec les cailloux qui roulent sous les pieds, avec les racines qui défient nos chevilles, avec les terrains escarpés qui invitent notre corps à s’ajuster sans cesse…
- Que dire de la séance de ressourcement bien savoureuse pour offrir le soin dont notre corps a besoin après cet effort de longue haleine.
- Quant au travail respiratoire à chaque séance, il est fondamental pour parvenir à caler sa respiration sur le mouvement de marche, tenir un bon rythme sans s’essouffler, rester connecté à l’instant présent et à soi.
- …
Au niveau psychologique/mental :
Cette randonnée au Mont Guillaume associée au yoga m’a permis de :
- lâcher prise sur mes limites, ou plus exactement sur mes pensées limitantes ;
- me connecter au moment présent pour mieux le savourer, y compris dans les parties difficiles ;
- m’ouvrir à ce qui se présente avec comme meilleur exemple : les framboises. Elles étaient tout autour de nous sans que nous les voyions, accaparés peut-être par nos pensées… jusqu’à les lâcher, à activer nos sens, à aiguiser notre attention au monde et aux petites choses. Hmm !
- me concentrer notamment dans les terrains escarpés ;
- cultiver ma persévérance et ma confiance en soi, pas après pas, sans baisser les bras, ni donner de l’importance aux pensées sournoises qui jaillissaient parfois ;
- développer de ce fait ma force mentale et ma détermination à aller au bout en me donnant des moyens d’y parvenir et en explorant mes ressources intérieures ;
- …
Au niveau spirituel
- me connecter au moment présent ;
- me connecter à la nature et aux êtres vivants ;
- apprendre à me connaître, explorer mes limites mais surtout mes ressources intérieures ;
être le témoin, l’observatrice de mes pensées limitantes ou génératrices d’émotions désagréables ; - être alors la pilote de mon mental en décidant avec bienveillance de mettre de côté ces pensées négatives et d’offrir de l’espace pour générer des émotions agréables et apporter une clarté d’esprit qui me font penser à activer mes sens, RRSOP…
- installer ainsi une stabilité émotionnelle et une paix intérieure ;
- finalement d’être encore plus présente à moi-même ;
- …
Avec les randonnées de l’été et en particulier celle-ci, ma créativité est décuplée tout comme mon envie d’approfondir et revisiter ce programme de yoga-rando.
Êtes-vous curieux-ses et prêt-e-s à voir ce que réserve la prochaine session de ce programme ?
Alors venez dérouler votre tapis avec moi !
« Vous êtes maître de votre vie et qu’importe votre prison, vous en avez les clés. »
– Dalaï Lama –
Infinie gratitude à mes compagnons de route
Impossible de terminer cet article sans remercier Eric, mon mari, qui m’a soutenue, accompagnée, challengée pour aller au bout de cette randonnée… sans oublier notre pétillante et gourmande Sunny.
« Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder dans la même direction. »
– Antoine de Saint Exupéry –
Avec la précieuse contribution de Caroline Guyader.