“On ne pratique pas le yoga mais on entre en yoga. Nous ne décidons pas de faire du yoga comme nous déciderions de jouer au tennis” explique Mylène Murot, responsable pédagogique du Diplôme Universitaire de Yoga de la Faculté de Lille.
Par Esprit Yoga
Ce diplôme rencontre un beau succès depuis plusieurs années. Sa spécificité est d’appliquer les outils proposés par le yoga sur le plan social en en faisant un outil éducatif au sens large. Une approche originale et intelligente.
Explications par la responsable pédagogique, Mylène Murot:
“Dans le cadre du diplôme universitaire de yoga à la faculté de Lille, les étudiants effectuent un stage. Nous entrons dans toutes les structures de la société civile pour proposer un yoga « adapté ». Mais ce qui nous anime est bien l’essence même du yoga : permettre à un groupe de personnes à un moment donné, dans une structure particulière comme le travail, les relations, qui détiennent leur lot de contraintes, d’aller explorer cette paix intérieure, ne serait-ce que goûter cette saveur.
L’objectif est d’éviter les constantes dispersions pour effectuer un auto-centrage automatique.
Il nous faut pour cela s’approprier tous les outils du yoga pour être en capacité de proposer celui qui sera le plus pertinent selon les besoins du moment. Il s’agit de les étudier au regard des concepts yoguiques, ancrés dans la tradition, en croisant les connaissances actuelles des sciences occidentales afin de les légitimer.
Il s’agit d’observer, d’expérimenter, de faire sens, de confronter les points de vue au travers des pratiques expérientielles reliées à l’étude des textes, de s’immerger dans la tradition et comprendre les orientations des lignées sans jugement mais dans une volonté d’ouverture.
Cependant, puis-je être en yoga alors que je suis âgé, en maison de retraite, avec une mobilité réduite ? Puis-je être en yoga si au cours de ce voyage je suis face à une maladie ? Puis-je être en yoga si je me consacre 24h sur 24h à un membre de ma famille atteint de la maladie d’alzheimer ? Si Yoga se résume à asana, ou plutôt à une pratique physique, non. Si ma possibilité d’accompagnement se limite à une expertise anatomique des postures, encore une fois, non. J’aurai besoin de tous les outils mais pas tous en même temps, certains seront utilisés partiellement, d’autres devront être adaptés ou modifiés, certains plus que d’autres, mais sans jamais les dénaturer ou les détourner de leur fonction première.
Face à cette impermanence extérieure sur notre chemin, il nous faut donc régulièrement effectuer un contrôle technique de l’ensemble de notre propre véhicule, analyser son état, ses besoins urgents et intervenir en choisissant l’outil approprié pour poursuivre ce chemin vers le but et conserver cette paix intérieure indépendante de l’extérieur.
Construire avec méthode et expertise un programme de dix à douze séances de yoga adapté pour un cadre dynamique en burn-out, des lycéens préparant le bac, des femmes en prison, du personnel soignant en surcharge de travail, des personnes atteintes de cancer, des aidants naturels épuisés… tel est notre objectif de base pour que cette proposition soit un élément déclencheur vers une pratique d’un yoga global permettant de garder la bonne direction vers le but, de retrouver à chaque étape du voyage la juste direction, l’équilibre de notre véhicule. Pour ne pas se perdre sur les chemins, hésiter ou douter de l’itinéraire tout cela en complète autonomie.
Nous voyons bien que pour que le yoga conserve pleinement ses lettres de noblesse et ne soit pas simplement rangé dans la catégorie des « méthodes psychocorporelles de bien-être », pour qu’il trouve en Occident sa juste place d’art de vivre au quotidien, d’une vie écocitoyenne engagée qui englobe l’être dans toutes ses dimensions, pour qu’il soit accessible à chacun, il y a urgence à ne pas réduire le yoga à une pratique physique posturale, à adapter lorsque cela est nécessaire les outils mais pas le but, sinon, ce n’est pas du yoga dont nous parlons.
Aujourd’hui dans notre société occidentale au 21ème siècle, le mot yoga se confond ou se résume parfois à asana, le troisième pilier des yoga sutra de Patanjali, que l’on peut traduire par une « pratique posturale ».
Si la définition de l’asana n’était pas elle-même réduite à un exercice physique, ce serait moindre mal. Le yoga n’a jamais été aussi populaire et pourtant est-ce bien du yoga dont nous parlons aujourd’hui ? Rappelons-nous brièvement ce pour quoi le yoga a été pensé : la liberté de conscience, être connecté à notre vraie nature, retrouver notre autorité intérieure. En quelques mots, connaître notre réalité suprême. Ne perdons donc pas ce but, soyons en conscient à chaque instant.
Aussi pour atteindre ce but, le yoga nous propose une belle méthode, sorte de grande boîte dans laquelle il a soigneusement rangé 8 outils : les huit membres des Yoga Sûtras de Patanjali
Cette boîte à outils va ainsi nous accompagner tout au long de ce voyage intérieur que nous entamons dès l’instant où pour la première fois nous déroulons un rectangle de caoutchouc ; ce voyage qui mène à la connaissance de soi, à la réalisation de soi.
Pour mener ce périple à son terme, du moins pour en prendre la direction, cette boîte à outils nous sera très précieuse. Elle va nous permettre de respecter les règles sur la route (yama – niyama), d’entretenir notre véhicule (asana), d’éviter les pannes, de manquer de carburant (pranayama), de rester les yeux fixés sur la route, les mains sur le volant (darhana – dyhana), de réinitialiser notre GPS (samadhi)…”
Témoignage de Nina Guéneau
Nina Guéneau, 37 ans (Présidente de l’Association de Yoga Adapté et du Festival de Yoga Adapté de Lille) pratiquait le yoga depuis 10 ans quand elle commence à souffrir de maladies chroniques. Elle s’inscrit alors au Diplôme Universitaire de Yoga de la Faculté de Lille.
« Ce cursus apporte beaucoup de sens ! Le DU de yoga adapte l’approche yogique à des corps de métier et des profils très variés : des restaurateurs, des chauffeurs routiers, des malades, des obèses… La démarche consiste à observer puis à proposer un protocole en lien avec la tradition du yoga. Offrir aux usagers un point de vue, un accompagnement, une réponse à une problématique en utilisant les multiples outils du yoga. C’est une très belle démarche. Il y a aussi un engagement personnel à faire, se former, effectuer un stage, rédiger un mémoire, passer des examens écrits. En général, dans les formations, la transmission est à sens unique, nous recevons de l’enseignant(e), avec le DU, il faut transmettre en adaptant tout l’enseignement reçu à nos compétences pour effectuer notre stage. Ce qui permet d’expérimenter nos limites et de nous nourrir. C’est scolaire et en même temps le cadre crée un espace qui permet de transformer, de créer, de s’adapter. Ce diplôme est une opportunité de remettre en perspective un yoga adapté. Ce travail n’a pas de prix pour celui qui intègre la formation et ses futurs élèves. Personnellement, j’ai fait mon stage auprès de personnes atteintes de Douleurs Chroniques, tout a pris sens ».
En savoir plus sur l’Association de Yoga Adapté : www.ayayoga.fr
Pour en savoir plus sur le Diplôme Universitaire de Yoga:
http://staps.univ-lille.fr/fr/nos-diplomes-universitaires/du-de-yoga.html