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Lifestyle & Spiritualité

Rencontre avec André Riehl

André Riehl enseigne le nidrâ yoga. Président de la Fédération des Yoga Traditionnels, son yoga traverse le temps, interpelle dans les rêves et dont le secret se cache dans le cœur des hommes.

interview avec André Riehl

E.Y : André Riehl, vous êtes un enfant précoce du yoga que vous pratiquez dès l’âge de 11 ans, comment se déroule vos premiers pas ?

A.R : En fait, cela a commencé un peu plus tôt grâce à des rêves pendant lesquels je recevais des enseignements. J’ai mis des années à identifier les visiteurs de mes rêves et à comprendre que leurs enseignements étaient du yoga.

E.Y : Pourquoi avoir choisi de vous spécialiser dans le nidrâ yoga ?

A.R : Ce n’est pas un choix. C’est arrivé. Le nidrâ yoga a créé des suspensions dans ma souffrance d’être humain, des suspensions qui peu à peu ont duré de plus en plus longtemps. On a envie d’être heureux. C’est cela qui m’a touché. J’ai étudié pendant 21 ans, puis mon instructeur m’a autorisé à enseigner la technique et à transmettre. A ma grande surprise, cette transmission a opéré chez certains élèves. C’est la force de la transmission traditionnelle: une lignée ininterrompue qui traverse le temps tel un rayon de lumière. En suivant ces rayons de lumière, on va jusqu’au cœur du soleil. Evidemment, le grand carburant de cette remontée vers le cœur du soleil est le désir d’éveil de l’élève.

E.Y : Vous évoquez des origines du yoga bien plus lointaines à Patanjali, qui est souvent présenté comme une référence indépassable alors qu’on sait le yoga riche de multiples influences. Expliquez-nous.

A.R : Personne ne connait l’origine du yoga. Or, notre culture a tendance à valider ce qui est écrit. En procédant ainsi, on conditionne l’apparition du yoga à l’introduction de l’écriture. On s’accorde pour dire que la naissance de Patanjali se situe entre 200 avant notre ère et 400 après notre ère, mais il n’était qu’un rédacteur, un codificateur, alors que la transmission liée à la recherche de l’état d’éveil est bien antérieure. Cela appartient à l’émergence de la pensée, de la psyché humaine et n’a pas d’origine historique. De l’instant où le mental humain a perçu, a vécu ce sentiment de séparation alors le désir d’unité a surgit. Le yoga est une réponse à la cette recherche d’unité. Aujourd’hui, on estime avec plus ou moins de certitude que l’homo sapiens remonterait au moins à 200 000 ans. Depuis cette époque, le fonctionnement du mental ne s’est pas vraiment modifié : si les désirs sont différents, si les besoins sont différents mais le processus mental n’a pas changé. Pour retrouver cette unité, les Vedas, qui remonteraient, selon les versions, à entre 2000 et 4000 ans avant JC, décrivent six approches différentes, et parmi elles, le yoga. Or, il faut attendre près de 2000 ans pour que l’écrit de Patanjali apparaisse. Entre le début de la tradition orale et l’écriture des textes, des milliers d’années se sont écoulées. De plus, peu de personnes ne font cas de textes tels que le Jabala Darshan Upanishad qui est un commentaire des Vedas. Ces écrits présentent le yoga exactement de la même façon que les Yoga sutras mais sont beaucoup plus détaillés, plus précis et plus profonds. En Inde, il y a environ 1000 ans, la fabrication de l’encre était tenue secrète en raison de l’opposition des instructeurs : en écrivant, en se fixant, l’enseignement se meurt, il n’évolue plus.

Nath yogi dans la posture de mayurasana

E.Y : Qu’est-ce qu’un professeur de yoga ?

A.R : C’est une catastrophe ! Je mène un combat pour qu’on arrête de former des professeurs de yoga, je pense qu’il y en a beaucoup trop. Le problème vient d’avoir professionnalisé le yoga, et d’en gagner sa vie comme pour n’importe quel métier. A mon sens le terme professeur de yoga est un abus de langage, car en réalité il y a très peu d’enseignants qui transmettent véritablement la nature du yoga. L’enseignement consiste d’une part à transmettre une force, une énergie à des personnes ayant le désir de vivre consciemment, mû par un désir d’éveil spirituel, et d’autre part, d’instruire certains exercices selon une méthodologie expérimentée et validée par des yogis qui nous ont précédé. On ne peut se réduire à des contorsions sur un tapis en plastique. Les yoga sutra de Patanjali présentent une méthode comportant huit domaines, dont un représente les postures. Celles-ci ne représentent donc que 1/8ème de la totalité de ce qu’est ce yoga de Patanjali.

E.Y : Pourtant, de nombreuses personnes viennent d’abord au yoga pour des raisons purement physiques et psychosomatiques : problèmes de dos, digestion, insomnies et découvrent dans le yoga une saveur inattendue.

A.R : Mettre uniquement en avant les bénéfices du yoga, c’est comme arriver dans la caverne d’Ali Baba mais n’y distinguer qu’une cuillère en bois. Peu à peu, la caverne se transforme en une usine à cuillère en bois et on ne voit plus les merveilles qu’elle recèle. C’est toujours cette idée, très anglo-saxonne, de faire un « benefit ». Dire que le yoga serait juste bon pour la santé n’est ni clair ni sain. Or les enseignements ne se concentrent pas sur les effets mais insistent sur l’idée de se donner totalement. C’est ce qui m’a touché dans le Nidra. On s’abandonne, on insiste dès le départ sur le don de soi. Non pour récupérer des avantages mais au contraire pour se défaire de nos encombrements psychologiques.

E.Y : Vous replacez donc le yoga dans une dimension sacrée.

A.R : Le yoga n’a rien à voir avec les méthodes, les systèmes, les structures. Les structures aident tels les barreaux d’une échelle mais on ne passe pas sa vie à les polir et les arranger, ils permettent simplement d’atteindre le point où on voulait aller. Le désir d’unité, d’où vient-il ? Ce qui me semble clair est que ce désir est sous-jacent à tous les désirs visibles. On est souvent aveuglé, on ne voit pas la profondeur du désir. L’idée est de déconstruire l’objet du désir pour que surgisse l’énergie du désir. Il s’agit de notre nature d’être humain aspirant à une paix éternelle. Les enseignements sont un trésor ineffable, une pure merveille, qui illumine, qui éclaire.

E.Y : Un livre ?

A.R : La transmission est orale !

Pour aller plus loin : Nidrâ Yoga International

Devenir professeur de yoga sans risque de burn-out

Cet article est extrait du numéro 47 accessible.
 
Avec la précieuse contribution de Céline Chadelat

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